L’Everesting, c’est du sport

L’Everesting, c’est du sport

L’idée m’est venue il y a deux ans. Un cycliste américain s’élance sur des sentiers, au lever du jour, il grimpe par un et redescend par un autre. Il complète la boucle pendant plusieurs heures jusqu’à ce qu’il atteigne virtuellement le sommet de l’Everest. Je lis le résumé la bouche grande ouverte : C’EST DONC BEN HOT! 

Je réfléchis à mes options. Suis-je capable de faire ce challenge? À quel endroit pourrais-je le faire? 8848 mètres, c’est vraiment beaucoup! Je n’aurai jamais le temps de faire ça à travers toutes les courses auxquelles je suis inscrit! Qui va pouvoir me soutenir et m’encourager pendant la journée? 

Beaucoup de questions ont tourné dans ma petite tête pendant un bon moment. Ce printemps, en revenant d’un voyage au Costa Rica, je me suis décidé. «Cet été, je fais l’Everesting!» Je regarde mon horaire : je n’ai pas de courses en juin, normalement c’est une période plus relax au travail, le 21 juin est la journée la plus longue de l’année. J’encercle cette date. GO!

Je fais quelques appels, j’en parle à ma blonde, mais pas trop à mes parents, et le projet est lancé. J’évalue les différentes montagnes qui pourraient être idéales pour le défi. Burke : trop à pic. Bromont : pas assez haut. Mont-Sainte-Anne : pas loin de la maison, bon gain de dénivelé et bons sentiers pour la descente. Je trace le trajet, je calcule les possibilités et je me mets à ne penser qu’à ça. En quelques jours, l’équipe du Mont-Sainte-Anne accepte mon projet, mes amis me confirment leur présence. Mon projet roule comme sur des roulettes.

Ce n’est que la veille du challenge que je réalise vraiment ce dans quoi je me suis embarqué. Une ride de 15 heures, qui consistera en 14,5 montées du chemin d’accès du MSA, et le même nombre de descentes par les pistes Vietnam-Grisante. Là, je commence à stresser! Mais c’est du bon stress. Je n’ai jamais roulé pendant 15 heures et ma plus grosse journée d’ascension se résume à 4000 m de dénivelé. Le problème, c’est que j’en ai parlé à beaucoup de monde, alors je ne peux pas rebrousser chemin. C’est demain que ça se passe! Le MSA nous permet de dormir au pied de la montagne afin qu’on puisse partir à 5 h du matin.

5 h 15 : Coup de sifflet virtuel

Mon chum David Maltais (Team Gris - Caisse pop acadienne) va me soutenir toute la journée et ma blonde Sarah Bergeron-Larouche (Salomon - Xact Nutrition) sera responsable du soutien moral et du «Aweye, t’es capable mon homme». La première ascension se fait aisément, il fait beau, il fait frais, ça va être une bonne journée.

6 h 10 : Premier lap terminé

Je rentre au puits, mange une gaufre et repars sans trop niaiser. Les trails sont bouetteuses, la montée est belle et le moral est bon. Les tours continuent à s’accumuler.

10 h : Premier arrêt

C’est le temps de laver mon bike, de changer de maillot et de manger quelque chose de plus complet que des barres granola. Ça fait quand même déjà 5 heures que je roule. J’ai 5 montées de faites. Ça roule. Un café et on repart.

12 h 30 : Le premier mur

Mes parents, ma sœur et son chum sont présents, je commence à être un peu dans les vapes. J’ai de la difficulté à formuler une phrase complète, j’engloutis mon burger au poulet. Je suis environ à mi-chemin du défi. Ça fait 7 heures que je roule, je ne vois pas comment je vais pouvoir faire encore un autre 7-8 heures sur le vélo sans exploser ou me répandre dans les sentiers. Je remonte en selle, coûte que coûte. Comme Sarah le dit souvent : «Math a une noix dans la tête, s’il se fixe un objectif, il n’arrêtera pas tant qu’il ne sera pas rendu au bout.»

15 h : Le deuxième mur

Je grimpe avec mes amis Jérémy Martin et Nic «TechNic » Letarte. Le pace est un peu trop élevé, je ne suis pas capable de le dire et mes jambes ne peuvent plus tourner. J’ai de la difficulté à passer une section de la montée et l’option la plus facile est de m’écrouler sur le côté. Je m’assieds par terre. Et là, je frappe un GROS mur. Je me prends la tête à deux mains. J’ai le goût de lâcher. Le questionnement classique défile en boucle dans ma tête : «Pourquoi je fais ça? Je devrais lâcher ça, je n’ai rien à prouver.»

Après une brève période de tergiversations et une banane, je remonte sur mon bike et je reprends mon chemin. Il me reste 3,5 montées, soit environ 4 h de bike et plus de 2000 m de dénivelé.

17 h : Le deuxième souffle

Tous ceux qui font des courses ont déjà vécu ce sentiment de «finir fort». On peut voir la ligne d’arrivée et notre corps fait tout pour se rendre jusqu’au bout. Il me reste encore plus de 2 heures de bike mais les jambes tournent, je n’ai plus mal nulle part et la vibe est vraiment bonne. Plusieurs de mes collègues de travail sont présents, mes chums sont au pied de la montagne, ma blonde court avec moi, je «fly». J’atteins le sommet pour une dernière fois vers 19 h 30. Il me reste une demi-montée!

20 h 30 : L’Everest

J’ai les yeux rivés à mon GPS et je tourne les jambes jusqu’à ce que j’atteigne les 8848 m de dénivelé et le point de mi-montagne. FINALEMENT, j’atteins le sommet virtuel de l’Everest. Étonnamment, il n’y a pas de file d’attente ni de bonbonnes d’oxygène ensevelies sous la neige. Ma blonde est là, David filme le tout, c’est vraiment un bon moment. Je pensais que j’allais verser une petite larme, mais je suis totalement desséché.

Lors de mon retour au camp de base, je suis complètement pété. Incapable de faire quoi que ce soit. On remballe notre setup et on passe au McDo. 

J’étais extrêmement content d’avoir accompli mon challenge. J’ai découvert de nouvelles limites physiques et psychologiques. J’ai vu ce que j’étais capable de faire lorsque je me convaincs que je suis capable de le faire. On dit souvent que le corps est bien fait, mais je pense que le cerveau est encore mieux fait, et que c’est lui qui nous permet d’accomplir à peu près n’importe quoi. 

Les défaillances physiques sont rares, c’est principalement psychologique. Comme on dit souvent : le corps est comme un tube de pâte à dents, quand on pense qu’il n’y en a plus, il y en a encore!

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