Après une année 2016 remarquable, couronnée par un prestigieux maillot à pois à Paris-Nice, Antoine Duchesne a connu une dernière saison difficile, grevée par une importante chute à Paris-Roubaix et des épisodes de maladie. Les derniers mois ont été autrement mouvementés, avec la fin de son contrat chez Direct Énergie et son arrivée à la FDJ, où il devrait principalement jouer le rôle d’homme fort des classiques, au service d’Arnaud Démare.
Mais pour le moment, alors qu’il reprend l’entraînement, Antoine affiche un calme olympien.
En attendant de partir pour le camp de présaison en Espagne, il tourne les jambes au Vélo Cartel. Nous l’avons attrapé entre deux séances sur les rouleaux pour lui poser quelques questions. À propos de sa carrière. Mais surtout du vélo comme mode de vie.
Antoine, tu roules beaucoup, c’est ton travail. Mais on peut imaginer qu’à la longue, ça peut devenir lassant d’y être obligé. Aimes-tu ça autant qu’avant?
J’aime encore vraiment ça. J’aime ma vie. C’est sûr que c’est pas agréable quand il fait très froid ou qu’il pleut. Mais j’aime partir six heures, seul, dans les montagnes, me retrouver dans ma tête, à réfléchir à ma vie. J’ai besoin de cette solitude-là, ça me fait du bien, je trouve ça thérapeutique.
Par contre, les mois qui arrivent, la mise en forme… Disons que les retours de pause sont difficiles. L’an dernier, j’ai souvent été en mode retour. J’ai été malade à Paris-Nice, j’ai eu la chute à Roubaix, après j’ai encore été malade. Revenir de l’arrière, quand t’es pas bien, que t’as pas de bonnes sensations, c’est les moments les plus durs, t’as beaucoup de remises en question. Mais je suis content d’avoir vécu une année comme ça, parce que ça t’amène ailleurs. Je ne me suis jamais découragé, même si c’était difficile. En traversant ces épreuves, tu franchis d’autres caps.
Le vélo t’a-t-il appris des choses sur toi-même?
Ça m’a surtout appris une manière de vivre, ça m’a donné une certaine rigueur. Une façon d’être et de penser. Le vélo m’a appris à être plus positif, plus optimiste. Ça m’a apporté de la confiance. J’ai arrêté de me comparer. J’ai accepté que je suis comme je suis, pour ensuite voir ce que je pouvais faire pour devenir encore meilleur. Être le meilleur que JE peux être. Et ne pas abandonner. Je veux toujours aller plus loin, pousser mon corps et ma tête au-delà de mes limites actuelles et essayer de comprendre par où passer pour y parvenir.
Tu as la chance de rouler dans des endroits magnifiques, mais quand tu reviens au Québec, quelles sont tes routes favorites?
J’ai eu la chance de découvrir cette année le coin de Chaudière-Appalaches, que je connaissais peu. Quand j’ai repris en juillet, j’ai fait cinq jours là-bas, à rouler cinq, six heures quotidiennement, et c’est vraiment un coin superbe pour le vélo. C’est beau, tranquille, et c’est difficile, avec beaucoup de grimpe, toutes sortes de terrains, de la gravelle. Autour de Warwick et Disraeli, j’ai vraiment tripé.
En terminant, c’est le temps des Fêtes qui arrive, les gens ne savent pas quels vins se procurer, et le vin, c’est une de tes passions, toi qui as notamment travaillé dans des vignobles en France. Tu leur recommanderais d’acheter quoi?
Je le sais pas. Je ne connais pas ça tant que ça. Et en fait, ce qui m’intéresse dans le vin, c’est le travail. Je trouve qu’il y a beaucoup de similitudes entre ce que fait le vigneron et ma pratique sur le vélo.
Le vigneron ne dépend de personne, il doit son succès à son travail, à sa discipline. Personne ne lui dit quoi faire, il doit se fier à son instinct, il se questionne sans arrêt. Est-ce que je devrais tailler comme ça? Est-ce que je devrais vendanger maintenant? Il travaille avec acharnement. Et quand il ouvre la bouteille, il a le résultat qu’il mérite. Moi, personne ne me dit d’aller faire six heures à la pluie; je suis tout seul chez moi. Mais si je ne fais pas les bonnes choses, j’arrive en course et je ne suis pas bon. Le vin, c’est pareil. C’est de ta faute si ton vin goûte la marde ou si c’est un chef-d’œuvre.
Oui, mais comme en vélo, il y a une part de chance…
C’est sûr. La comparaison se poursuit là aussi. Tu ne contrôles pas si une maladie s’attaque à la moitié de tes vignes, ou s’il grêle et que ça massacre tout. Tu ne contrôles pas non plus les chutes, de te faire foncer dedans par une auto à l’entraînement. Le vin, c’est un travail dur, souvent solitaire, surtout chez les vignerons que je connais. Je connecte avec ce monde-là. Ça prend les mêmes traits de caractère dans les deux métiers. C’est sûrement pour ça que ça m’intéresse autant.