Le voilà encore à l’avant. Filant avec une poignée d’évadés du peloton dans le vert ondoyant des plaines d’Abraham, puis dévalant la côte Gilmour, Bruno Langlois est encore là où il préfère. À l’attaque.
Nous sommes au plus récent Grand Prix cycliste de Québec. Langlois a alors 39 ans et cumule 8 participations à l’événement dont le prestige n’est plus discutable. Au fil des ans, les Sagan, Van Avermaet, Uran, Gilbert, Matthews et autres Dumoulin en ont foulé le podium. Et même s’il ne fait pas partie des équipes de première division auxquelles on associe ces pointures, mais bien à une équipe d’étoiles nationales invitée pour l’occasion, Langlois ne se laisse pas intimider.
Le vétéran en a sous la pédale. Et il connaît parfaitement la course.
Devenu professionnel en 2005, chez Jittery Joe’s, le natif de Matane rejoint au fil des saisons quelques escouades américaines avant de débarquer, en 2009, chez la canadienne Planet Energy, qui deviendra ensuite SpiderTech. Au sein de cette pépinière de talents où, sous la férule de Steve Bauer, se développent les François Parisien, Guillaume Boivin et Hugo Houle, Bruno a la chance d’intégrer la grande ligue. Sa sixième place au redoutable Tro Bro Leon (aussi appelé le Paris-Roubaix vendéen), en 2011, témoigne tant de son niveau de forme que de son esprit d’initiative.
«Je ne suis pas le meilleur sprinteur, alors si je veux avoir une chance de gagner, je dois partir en tête», explique-t-il. Ce qu’il fait, encore et encore, inlassablement. Et l’âge ne semble pas avoir éteint chez lui cette capacité à gérer la souffrance et à la conjurer pour briller parmi l’élite.
En 2017, il mène un groupe d’échappés jusque sur le podium à la Winston-Salem Classic et termine parmi les 10 meilleurs (8e) au cumulatif du Tour de Beauce, en plus de prendre le titre de champion québécois. L’année précédente, il remportait le championnat canadien.
L’athlète, le coach, l’entrepreneur, le mentor
Passé chez Garneau Québecor en 2012, grâce à son ami Louis Garneau qui le prit sous son aile, le coureur deviendra aussi gérant d’équipe. Celui qui en profite pour terminer son baccalauréat en kinésiologie prend les jeunes athlètes de l’équipe sous son aile et donne dans quelques joyaux bruts les premiers coups de ciseau qui en feront des diamants.
Prenez presque n’importe quel portrait du prodige canadien Mike Woods et vous y trouverez une mention de Bruno. Woods ne tarit pas d’éloges à son endroit : le coureur devenu cycliste a appris son nouveau métier grâce à ses précieux conseils.
Se tisse donc là, entre le savoir universitaire, la pratique et la difficile gestion d’une équipe professionnelle, la chrysalide de laquelle émerge aujourd’hui Langlois.
Il a toujours la course en tête. Son souci maniaque du détail et sa recherche des parfaits protocoles d’entraînement profitent désormais à la multitude. Avec sa précieuse aide, une poignée d’athlètes se développent (Charles-Étienne Chrétien, Laurent Gervais, Frédérique, Juliette et Mireille Larose-Gingras, etc.), mais plus encore, les amateurs trouvent dans son centre d’entraînement des conseils et de l’équipement à la fine pointe de la technologie afin d’affiner leur forme.
Après avoir lancé son entreprise BL Coaching en 2016, il s’associe à Kevin Lynch en 2018 pour fonder Vélo Cartel, à la fois boutique, atelier, café et centre d’entraînement.
Le succès est immédiat, en raison du parfait mariage entre les entrepreneurs qui partagent le même désir de faire du cyclisme un art de vivre plutôt qu’un simple sport. Un pivot autour duquel santé, style et cercle social gravitent. Et Bruno continue de parfaire son savoir, de potasser les études et d’échanger avec des pointures de la profession, comme Guy Thibault, afin d’offrir à la clientèle les meilleurs services.
Suffit de le voir déambuler au sein d’un groupe à l’entraînement, prodiguant conseils et encouragements, pour saisir qu’on a ici droit à des années de savoir et surtout au désir d’épauler les autres, de leur insuffler ce même goût du dépassement. Une flamme qu’on a en soi, ou pas. Le coach, lui, la possède. Elle le place toujours à l’avant du peloton, en course ou en affaires. Dans la vie normale, on parlerait de poigne, de courage.
En cyclisme, on appelle ça le panache.