La psychologie de la performance avec Michael Woods

La psychologie de la performance avec Michael Woods

L’entraînement le plus rigoureux peut être anéanti par des pensées négatives. Nous en discutons avec Michael Woods. Le natif d’Ottawa a connu sa plus éclatante saison en 2017, finissant étape après étape d’une Vuelta relevée aux côtés des plus brillantes étoiles du sport. La raison de son succès : un changement majeur dans sa manière de penser, qui inclut une approche liée à la méditation pleine conscience.

Comment décrirais-tu ton état mental, ta manière d’envisager les courses?

Ça a beaucoup changé. Maintenant, j’essaie de me concentrer sur des choses simples. Le cyclisme est un sport tellement complexe et il se passe parfois tellement de choses au même moment que c’est facile de se laisser distraire. Alors j’essaie de réduire mon focus au moins d’éléments possible pendant une épreuve.

Peux-tu nous donner un exemple?

Généralement, je tente de garder ça à trois choses sur lesquelles je vais me concentrer. Trois, et rien d’autre. Si c’est une épreuve avec une finale en altitude, avec un long segment facile pour débuter, alors je vais d’abord m’assurer de rester positif. Parce que même dans une portion en apparence plus facile, ça peut quand même aller très vite, ou alors ça peut être ennuyeux, ou bien je peux être fatigué, alors c’est facile d’être happé par des pensées négatives. La seconde chose sur laquelle je vais fixer mon attention, c’est la confiance que j’ai en mes coéquipiers. Donc, la certitude qu’ils sauront m’emmener jusqu’au point de la course où j’ai besoin d’eux et qu’ils pourront bien me guider avant la finale. Et pour terminer, le troisième point serait de ne pas me préoccuper de la montée avant d’y être. Je ne laisse pas mon esprit s’égarer.

Puisque tu en parles, comme tu es arrivé tard dans le cyclisme, tu faisais beaucoup d’erreurs, tu es tombé souvent, le positionnement était parfois difficile. Est-ce qu’à un certain moment, tu avais une sorte de monologue intérieur négatif qu’il t’a fallu combattre?

Certainement! Mais au cours de la dernière année, conserver une pensée positive a largement contribué à mes succès. Je me suis rendu compte que, par le passé, lors des courses, je n’avais pas particulièrement envie d’être là. Pas parce que je ne voulais pas faire la course, mais surtout en raison du froid, de la douleur, des risques de chute… Tellement de choses peuvent contribuer à te faire sentir mal et te donner envie d’être ailleurs. Mais l’an dernier, je me suis mis à me demander : pourquoi est-ce que je n’ai pas envie d’être là? Ensuite, je me suis concentré sur l’idée de vivre le moment présent et de trouver du plaisir dans ce moment, même si les conditions n’étaient pas favorables. Ça a tout changé. J’ai renoué avec le plaisir de rouler pour gagner ma vie, d’être suivi par des fans et d’obtenir de l’équipement incroyable.

Ça ressemble beaucoup à des techniques liées à la méditation pleine conscience, ce que tu décris.

C’est en plein ça. Je suis tellement obsédé par où je voudrais être que j’oublie de vivre le moment présent. C’est aussi la raison pour laquelle je commettais beaucoup d’erreurs tactiques: je portais mon regard trop loin dans la course. La méditation joue un rôle très important là-dedans. J’essaie d’être moins distrait par Internet, par mon téléphone, pour mieux jouir du moment présent.

Est-ce que tu abordes l’entraînement de la même manière que la course pour en profiter plutôt que de le subir?

Lorsque je fais des entraînements faciles, j’écoute de la musique, je parle avec des amis. Mais lors de sorties plus spécifiques, je me concentre totalement sur ce que je fais. Par exemple, aujourd’hui, je faisais un entraînement de contre-la-montre, et l’objectif de cet entraînement, c’était d’être dans le moment et de ressentir l’effort pour bien comprendre ce qui se passait.

Et est-ce que tu décomposes tes séances d’effort comme celle-ci en petites bouchées pour les rendre plus faciles à avaler?

Toujours! Aujourd’hui, j’ai coupé ça en tranches de 2 min 30. Aussi, dans les longues, qui font beaucoup souffrir, et qui m’effrayaient en raison de leur durée, je me disais : «Oh boy, je vais devoir souffrir pendant 20 km!» Mais à la Vuelta, où j’ai connu mes meilleures performances l’an dernier, je ne pensais jamais à rien d’autre qu’au prochain kilomètre. Je ne me permettais pas de penser à quoi que ce soit d’autre que la borne suivante : je ne réfléchissais pas aux tactiques ni à la puissance moyenne que j’avais fournie pendant la montée. Seulement au prochain kilomètre. En faisant ça, on n’existe que dans le moment présent et on évite d’être subjugué par l’ampleur de la tâche qui nous attend.

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À venir, dans le prochain article de la suite de notre entretien, Mike Woods confie : « Si ce n’était de Bruno Langlois, je n’aurais probablement pas de carrière comme cycliste. »

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