La fameuse question des glucides (encore!)

La fameuse question des glucides (encore!)

Ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la nutrition sportive savent qu’il peut devenir déroutant de comprendre quoi mettre dans notre machine pour être toujours à notre plein potentiel. Malheureusement, il n’y a pas de recette miracle, car beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte : notre métabolisme, notre assiduité à l’entraînement et son intensité, notre hygiène de vie (sommeil, gestion du stress, vie sociale), etc.

Quand même, il est légitime de vouloir savoir comment se nourrir pour devenir une version 2.0 de nous-même. Heureusement, s’il y a une chose qui est acquise dans le domaine sportif et qui est largement appuyée par la Société américaine de médecine sportive (AMSSM), c’est qu’une consommation de glucides avant, pendant et après l’effort permet de maximiser la performance, de subvenir aux besoins énergétiques, de favoriser la contraction musculaire et de bien récupérer.

En effet, à intensité modérée (aérobie), les muscles utilisent un peu plus de 50 % d’énergie sous forme de glycogène; cette proportion peut augmenter jusqu’à 90 % lorsque nous vient l’envie de faire un sprint de pancartes… Pour illustrer ce concept, disons que notre corps carbure au glucose pour avancer et garde cette «essence» sous forme de glycogène dans le foie et les muscles.

Adapter son métabolisme, c’est possible?

Si notre corps peut s’affûter au gré des coups de pédales, notre métabolisme, lui, pourrait-il être entraîné à devenir plus efficient dans sa façon d’utiliser ses substrats énergétiques? Depuis quelques années, différentes théories d’adaptation métabolique tentent de répondre à cette question. Elles tournent toutes autour du modèle «train low, compete high». Se déclinant selon plusieurs variantes, ce modèle vise à ajuster la quantité de glucides consommée avant et/ou après l’effort. Pour ce faire, on peut s’entraîner avec peu de glucides, s’entraîner deux fois dans la même journée ou encore intensément le soir et le lendemain matin à jeun (sleep-low).

Le but? Adapter métaboliquement nos muscles à être aussi efficaces en utilisant moins de carburant. Un peu comme un modèle de voiture hybride qui consomme moins d’essence pour se rendre aussi rapidement au même endroit qu’une voiture traditionnelle. Ces adaptations permettraient entre autres d’améliorer certaines caractéristiques métaboliques musculaires associées à la capacité oxydative, à l’activité enzymatique et à l’utilisation accrue des lipides comme source d’énergie (lipolyse)[1]. 

Bien que ces pratiques semblent modifier l’activité métabolique à l’effort, elles ne se traduisent pas toujours par une amélioration de la performance. En effet, parmi les interventions récentes utilisant ce modèle, seulement 37 % des études ont observé des améliorations notables sur la performance. De plus, les athlètes doivent suivre ce genre de protocole au moins 3 semaines pour voir apparaître quelques modifications métaboliques intéressantes[2].

Un nouveau joueur : le seuil de glycogène

Dans un contexte d’environnement réel, très éloigné du laboratoire en milieu contrôlé, il est difficile pour un athlète de suivre à la lettre un protocole aussi restrictif et exigeant psychologiquement. Et vous ne serez pas surpris de lire que la restriction en glucides avant et pendant l’effort entraîne au passage un esprit maussade et une diminution significative de la volonté de se dépasser. Comme le mental affecte de façon non négligeable notre perception de la fatigue et notre capacité à maintenir le rythme, ce facteur n’est pas à prendre à la légère.

Devant ce phénomène problématique, certains chercheurs en sont arrivés à un nouveau modèle, soit le «fuel for the work required», qui se trouve à être un amalgame des théories issues du «train low, compete high»[3]. Cette théorie de périodisation des glucides prend non seulement en compte l’intensité et la durée des entraînements qui sont faits dans la semaine, mais également le seuil de glycogène (glycogen threshold). Elle renvoie au principe qu’il existerait une fenêtre où le glycogène disponible serait suffisant pour répondre à la demande énergétique engendrée par l’effort physique, mais suffisamment bas pour enclencher les modifications d’un point de vue métabolique. Toujours selon ces chercheurs, la façon d’y parvenir serait d’adapter nos besoins glucidiques quotidiens par repas selon l’intensité, la durée et les objectifs d’effort des entraînements prévus (aérobie, anaérobie lactique ou alactique).

Autrement dit, cette méthode permettrait d’habituer notre corps à utiliser intelligemment son glycogène en fonction de la filière énergétique exploitée, tout en ayant toujours suffisamment de carburant pour fournir l’intensité nécessaire et, ainsi, performer.

Une étude d’intervention a testé la chose chez 11 athlètes amateurs masculins. Dans un premier temps, chaque athlète devait consommer une grande quantité de glucides autour des entraînements, puis diminuer ses apports pour tenter d’entrer dans la zone du «glycogen threshold». Les deux interventions étaient séparées par une période de 7 à 9 jours. En gros, les résultats de cette étude démontrent qu’une restriction glucidique pré-entraînement peut entraîner des modifications métaboliques intéressantes, telles que l’utilisation des lipides comme carburant, comparativement à un protocole riche en glucides[4]. Par ailleurs, les chercheurs ont constaté qu’il est impératif que les athlètes consomment une bonne quantité de protéines AVEC des glucides après l’effort pour être en mesure de récupérer adéquatement d’un point de vue musculaire.

Mais, mais, mais!

Gardons en tête que ces différentes techniques doivent être considérées avec un bémol puisqu’on ne peut pas affirmer qu’elles contribuent à tout coup à améliorer la performance. Il semblerait que le simple fait de suivre une diète particulière, de compter ses macronutriments ou de jouer avec les théories du «train low, compete high» pourrait entraîner une légère perte de poids, qui peut à elle seule engendrer des améliorations notables sur le vélo. Notons toutefois que ces changements physiologiques et même pondéraux sont surtout présents chez les athlètes aguerris et assidus à l’entraînement.

Néanmoins, la périodisation des glucides au jour le jour pourrait entraîner une certaine flexibilité métabolique en plus d’aider l’athlète à maintenir la cadence, peu importe le type d’entraînement. Les entraînements qui nécessitent des filières énergétiques alactiques en intervalles gagneraient ainsi à être adéquatement accompagnés de glucides. À l’inverse, la restriction glucidique profiterait davantage lors d’entraînements en zone tempo, sous le seuil lactique.

Bien que tout cela semble prometteur et intrigant, il faut garder à l’esprit que ces techniques sont surtout destinées à des athlètes de haut niveau qui cherchent à perfectionner l’art de pousser sur les pédales de façon plus efficiente. Elles demandent un engagement de la part de l’athlète, qui doit bien calculer ses apports et surtout comprendre la dynamique des filières énergétiques à l’entraînement.

Pour le commun des mortels comme nous, l’important est d’abord d’apprécier l’univers du cyclisme et d’avoir suffisamment d’énergie pour repousser nos limites, gagner en confiance et surtout vouloir recommencer le lendemain. Pour cela, la recette reste encore la même : savourer une variété d’aliments sans restriction, dans l’équilibre et surtout le plaisir!

Pour les plus clinqués d’entre vous, voici un exemple de périodisation adaptée à l’effort pour un homme de 70 kg 

velo cartel tableau sur la nutrition en fonction d'un type d'entrainement

* Tiré de Impey, S.G. et al., 2018

Références 

1.              Cochran, A.J., et al., «Carbohydrate feeding during recovery alters the skeletal muscle metabolic response to repeated sessions of high-intensity interval exercise in humans», Journal of Applied Physiology, 2010.

2.              Gejl, K.D., et al., «No superior adaptations to carbohydrate periodization in elite endurance athletes», Medicine & Science in Sports & Exercise, 2017.

3.              Impey, S.G., et al., «Fuel for the work required: a theoretical framework for carbohydrate periodization and the glycogen threshold hypothesis», Sports Medicine, 2018.

4.              Impey, S.G. et al., «Fuel for the work required: a practical approach to amalgamating train‐low paradigms for endurance athletes», Physiological Reports, 2016.

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