Avant de devenir l’un des meilleurs cyclistes au monde et de se hisser en tête de course avec les plus imposantes pointures comme il l’a fait lors de la dernière Vuelta, Michael Woods a commencé sa carrière professionnelle ici, à Québec. Et c’est Bruno Langlois, alors à la tête de l’équipe Garneau-Quebecor, qui a reconnu son talent. «Je lui dois vraiment beaucoup», insiste Mike.
Comment vous êtes-vous retrouvés dans la même équipe, Bruno et toi?
«Je roulais pour l’équipe de la boutique The Cyclery, à Ottawa, et au Grand Prix de Gatineau, je suis arrivé troisième derrière Antoine Duchesne et Bruno. Hugo Houle était quatrième. Bruno m’a ensuite donné une place dans l’équipe Garneau-Quebecor. Pour moi, c’était une chance inespérée : non seulement de pouvoir intégrer une équipe de ce niveau, où je pourrais me comparer à des coureurs très forts, mais aussi de profiter de l’incroyable expérience de Bruno.»
Qu’est-ce qu’il t’a appris, au juste?
«Tellement de choses! J’ai d’abord appris par émulation : il avait couru au niveau pro continental, il possède un redoutable talent de pilote et il est capable de lire la course avec une acuité vraiment remarquable. Et surtout : Bruno n’a jamais peur de s’essayer à une tâche qui peut paraître trop difficile ou en dehors de sa ligue. Il est fort, c’est sûr, mais son plus grand atout, c’est sa capacité à souffrir et à lire les autres coureurs au point de pouvoir deviner l’issue de la course.»
Tu veux dire qu’il est capable de voir s’ils sont forts, ou s’ils vont craquer?
«Exact. À un point tel qu’encore aujourd’hui, quand je me retrouve dans une situation d’échappée, je me demande toujours ce que ferait Bruno. Nous avons participé à tellement de courses ensemble où nous nous retrouvions dans l’échappée que j’ai pu analyser ce qu’il faisait. Il regardait les coureurs dans les yeux, il pouvait évaluer leur forme, et c’est un extraordinaire joueur de poker, capable de deviner ce que tout le monde ressent derrière son masque d’impassibilité. Ça m’a appris que le meilleur coureur cycliste n’est pas seulement en forme, c’est aussi celui qui est le plus apte à lire la course, et à souffrir.»
Il a été dur avec toi aussi, non?
«Oui, vraiment! Mais c’était exactement ce dont j’avais besoin. Je me souviens d’une de nos premières courses, en Floride. J’étais dans l’échappée, super content de terminer quatrième, je croyais que les membres de l’équipe allaient me féliciter… Mais Bruno est arrivé en me criant dessus, et je ne comprenais pas pourquoi. Mais ensuite j’ai parfaitement saisi que j’avais été égoïste et que j’avais fait perdre l’équipe. Sur le coup, j’étais fâché. Mais ça m’a ouvert les yeux sur l’importance de la tactique de course. En fait, le pire qui aurait pu m’arriver à ce moment de ma jeune carrière cycliste, ç’aurait été que quelqu’un me donne une tape dans le dos et me félicite. Il m’a permis de comprendre la dynamique d’équipe dans la course, le sens du sacrifice au bénéfice du groupe.»
GP de la Matapédia, Aout 2013