Il y a une raison assez simple qui explique que la récupération soit l’angle mort de l’entraînement : dans un monde de performance, obsédé par le dépassement, en quête de l’effort de plus qui fera la différence, elle paraît ennuyeuse et contre-productive.
Nous avons le sentiment que nous nous améliorons en nous entraînant, ce qui est vrai. Lorsque nous nous reposons, nous sommes donc parfois tenaillés par l’impression inverse d’être paresseux, de nous laisser aller.
Sauf qu’il n’y a pas d’amélioration sans repos.
L’adaptation
Pour simplifier au maximum le cycle de l’amélioration de la forme physique, disons qu’il s’agit d’infliger un important stress au corps, de lui laisser le temps de récupérer pour s’adapter, puis d’augmenter le stress, puis de récupérer encore.
Si on néglige son repos, il sera impossible de progresser, puisque le corps n’aura pas la chance de s’adapter, et non plus de retrouver l’énergie nécessaire pour reproduire l’effort consenti précédemment. Sans récupération adéquate, on est non seulement condamné à stagner sur un plateau de forme, mais sans doute aussi à régresser.
Sans parler de la maladie qui nous guette, car c’est le système immunitaire qui assume le rôle de réparation du corps après l’effort. Lorsqu’il est entièrement sollicité par l’entraînement, sans repos, il ne peut plus toujours nous prémunir contre les virus, bactéries et autres éléments extérieurs qui menacent notre santé générale.
Ou pire encore, à atteindre un niveau de stress si important qu’on pourrait alors souffrir d’épuisement, puis de surentraînement.
Voilà pourquoi il faut non seulement respecter les périodes de repos d’un bloc d’entraînement, mais aussi savoir reconnaître les signes de fatigue qui peuvent nous indiquer qu’il est nécessaire de modifier notre plan.
Apprendre à se connaître
Si on considère le corps comme une machine, alors il faut l’envisager comme un engin extrêmement complexe où il n’y a pas que de la plomberie, de l’électricité et un imposant circuit électronique, mais aussi des émotions.
Toutes ces composantes recèlent des indices qu’il faut savoir déceler, et qui témoignent de notre niveau de fatigue.
C’est dire que les variables qui nous semblent pertinentes pour mesurer nos efforts et établir nos plans d’entraînement devraient l’être tout autant pour analyser notre fatigue et planifier notre récupération.
Plus encore : ces variables servent aussi à adapter l’entraînement, et à le rendre plus efficace encore. Car comme nous le disions plus haut, un corps reposé s’entraîne mieux, et récolte bien plus de bénéfices du stress que l’entraînement lui impose.
Le temps de sommeil, les pulsations au réveil (ou la variabilité cardiaque si on dispose d’un outil pour la mesurer) et les valeurs sanguines sont des manières de nous assurer de notre état général.
Mais les choses ne sont pas si simples. Au-delà de ces mesures objectives, plusieurs observations subjectives permettent de mieux percevoir notre fatigue réelle et d’agir en conséquence. D’où l’importance d’apprendre à écouter son corps comme sa tête. À se connaître, quoi.
L’algorithme et le journal
De plus en plus d’outils s’offrent au cycliste pour mesurer son niveau de forme. Qu’il s’agisse de Today’s Plan, TrainingPeaks ou GoldenCheetah, ils permettent de prendre la mesure, à court, moyen et long termes, des effets de la charge d’entraînement.
En gros, ces outils proposent une mesure objective de la forme comme un équilibre entre stress d’entraînement et repos.
Mais nous ne sommes pas tous identiques. Et le chiffre magique n’est donc pas le même pour chacun ou chacune. Sans parler de tout le reste qu’aucun logiciel ne peut mesurer : vous sentez-vous stressé, déprimé? Avez-vous assez dormi? Vivez-vous des difficultés financières, ou dans votre couple? Le bébé est-il malade? Le boulot vous accapare-t-il au point où vous n’avez plus de vie sociale?
Il s’agit d’un TSS émotionnel qui s’ajoute à votre charge d’entraînement et qui influe sur votre forme. Et aussi sur votre récupération.
L’idéal est donc de tenir un journal d’entraînement pour s’obliger à prendre le temps de s’écouter.
Vous y consignerez des données objectives : entraînements réalisés, TSS, fréquences cardiaques ou variabilité si vous possédez un WHOOP, par exemple. Mais aussi comment vous vous sentez ce jour-là. D’abord avec votre corps : décrivez vos sensations, le feeling avant l’entraînement, pendant et après. Sans oublier ce qui se passe dans votre vie. Vous sentez-vous déprimé, vos proches vous reprochent-ils une humeur de truck, avez-vous perdu le goût de tout, vous sentez-vous affligé par une fatigue générale importante? Ou au contraire, êtes-vous pétant de bonheur, motivé?
Se reposer n’est pas reculer
Ensuite, il reste à savoir quoi faire lorsque les choses ne vont pas comme elles devraient.
Il faut accepter, d’abord, que le repos est une part importante de la mise en forme. Puis, qu’une journée de congé, voire deux, voire trois ne gâcheront pas tout le travail accompli jusque-là. Au contraire : c’est la surcharge malsaine qui risque de vous briser.
Puis, il faut ajuster son entraînement en conséquence. Quitte à revoir ses objectifs si on constate que le travail, la famille et les obligations de la vie nous pèsent et nous empêchent de suivre notre programme.
Est-ce le mauvais moment de l’année pour un bloc intense qui comprend de nombreuses heures et vous demande énormément de motivation? Alors peut-être qu’il faudrait reporter vos cibles à un autre moment de la saison, voire à l’année suivante.
Si vous devez prendre un temps de repos et mettre vos ambitions à jour, dites-vous que ce n’est pas un échec. C’est un pas de recul pour avancer plus vite encore à l’avenir.