Une santé de fer

Une santé de fer

Peser sur les pédales, sentir les muscles de nos cuisses se contracter, notre cœur battre à tout rompre et notre souffle s’accélérer. Un bon sentiment de puissance quand l’exercice se répète inlassablement et que la douleur se fond à l’extase du moment. Mais ce moment peut aussi se transformer en découragement lorsque, les cuisses brûlantes, on frôle les pédales tout en perdant de vue le peloton au loin. Les jambes ramollies, on se demande comment retrouver la vigueur qui faisait couler la force dans nos veines à une époque pas si lointaine... Et si cette détresse physique avait un lien avec notre alimentation? 

On commence à connaître la chanson : l’athlète d’endurance a des besoins différents de ceux du sédentaire moyen. Plus de calories au quotidien, des protéines pour nourrir les muscles et des glucides pour faire avancer la machine. Mais au-delà de ces macronutriments, l’athlète a des besoins accrus en certains minéraux et vitamines essentiels, qui jouent des rôles dans la prévention des blessures, l’immunité, la libération de l’énergie et la réduction de l’inflammation.

Entre autres, le fer retient notre attention, particulièrement chez les femmes actives et les athlètes végétariens. 

Le fer, pour quoi faire?

Avant tout, à quoi sert le fer? Il ne se retrouve pas que dans un célèbre trône, mais aussi dans le corps, sous forme de deux protéines principales : l’hémoglobine (cellules sanguines) et la myoglobine (cellules musculaires). Il joue un rôle essentiel dans la respiration cellulaire en transportant l’oxygène des vaisseaux sanguins vers les cellules musculaires, ainsi que dans la création et l’entreposage d’énergie.

Avec d’aussi nobles fonctions, on comprend rapidement le lien étroit avec l’entraînement. Plus on produit des globules rouges (effet de l’entraînement), plus nos besoins en fer augmentent. En plus, on en perd par la sueur ou même lors de saignements gastro-intestinaux parfois causés par l’exercice de haute intensité. Note aux amateurs de course à pied : les chocs répétés sur l’asphalte peuvent accroître le taux d’hémolyse (destruction des globules rouges).

Si on augmente notre charge d’entraînement ou qu’on modifie nos habitudes alimentaires, il se pourrait qu’on éprouve quelques symptômes de déficience en fer, surtout si on ne porte pas une attention particulière à cet élément dans notre alimentation. La déficience se traduira par une grande fatigue, un état constant de léthargie et une humeur maussade. 

Les femmes et les athlètes plus à risque

Dans la population générale, les femmes sont les plus touchées par la déficience en fer, soit 3% comparativement à moins de 1% chez les hommes. Comme elles ont des réserves en fer plus faibles, mais surtout des pertes sanguines mensuellement, il n’est pas étonnant que leurs besoins quotidiens soient de 18 mg contre 8 mg chez les hommes.

Bien que la prévalence de déficience ne soit pas si élevée, c’est chez les athlètes que le portrait est le plus préoccupant : les cas rapportés augmentent à 35% chez les femmes et à 11% chez les hommes (Sim et al., 2019).

Cette carence en fer, que l’on nomme « anémie ferriprive », peut être en partie liée à des apports énergétiques insuffisants, à un manque de réserve en fer, à une absorption diminuée ou même à un dérèglement hormonal. Elle s’installe graduellement et peut prendre un certain temps avant de se faire sentir chez l’athlète.

Par ailleurs, on remarque parfois que les taux d’hémoglobine peuvent diminuer rapidement lorsque le volume d’entraînement et l’intensité s’accroissent. En effet, l’augmentation des globules rouges causée par la charge d’entraînement aura pour effet de diluer le fer de façon passagère, ce que l’on nomme anémie de dilution. À première vue inquiétant, ce phénomène se rétablira naturellement. 

Quel est le lien avec le végétarisme?

Le fer est lié à des protéines qui voyagent dans le sang pour gorger les muscles d’oxygène. Ainsi, les meilleures sources de fer se retrouvent… dans les muscles et le sang. Abats (rognons, foie, cœur, etc.) et viande rouge sont donc les sources championnes, et leur fer est celui qui est le mieux absorbé. Viennent ensuite la volaille et le poisson.

Du côté végétal, on trouvera en grande quantité du fer que l’on nomme non héminique, qui sera cependant beaucoup moins bien absorbé (< 5 %). Pourquoi? Parce que des éléments entrent en compétition avec les sites d’absorption privilégiés du fer. Ainsi, certaines protéines, les fibres ou d’autres composés des grains céréaliers empêchent le fer de bien «entrer» dans nos cellules. D’autres éléments comme le calcium, les tannins (thé) ou la caféine (café, chocolat) agissent sensiblement de la même façon en réduisant les opportunités du fer à être absorbé.

C’est pour cette raison que les besoins en fer pour les végétariens sont 1,8 fois plus élevés que pour les non-végétariens : 32 mg pour les femmes et 14 mg pour les hommes. Pour les végétariens actifs, il peut être intéressant d’augmenter jusqu’à 70 % les valeurs cibles afin d’éviter l’anémie.

Prévenir plutôt que guérir 

Une récente étude d’intervention chez des femmes athlètes a montré qu’une alimentation riche en fer sur une période de 5 mois peut modifier la performance sportive. Celles qui en consommaient davantage ont vu augmenter leur statut en fer autant que leur VO2 max lors d’une épreuve sur vélo (Luna et al., 2015).

Différentes recommandations peuvent vous aider à optimiser vos apports en fer, encore plus si vous décidez d’être végétarien. Rassurez-vous, une alimentation végétarienne et même végétalienne est hautement compatible avec la performance sportive, pourvu que vous preniez des précautions pour ne pas être en carence.

Mon premier conseil : consultez une nutritionniste si vous changez à la fois votre alimentation et votre volume d’entraînement. D’ici là, voici quelques conseils clés pour vous assurer d’avoir une santé de fer!

  • La vitamine C favorise l’absorption du fer végétal. Ajoutez-en une portion dans vos repas végétariens. Exemple : sauce tomate + pâtes. Orange + pain le matin.

  • Augmentez la variété et la quantité de vos légumes aux repas.

  • Mangez des fruits frais ou séchés en collation.

  • Ajoutez des céréales pour bébés à vos préparations de muffins, crêpes ou galettes.

  • Variez les sources de protéines (haricots blancs, lentilles, tofu, pois chiches).

  • Ajoutez des noix et des graines à vos salades (citrouille, tournesol, cajou, sésame).

  • Ajoutez des algues ou des herbes aromatiques dans vos marinades pour tofu ou tempeh.

  • Essayez de ne pas consommer votre café en même temps que votre repas.

Tableau : Contenu en fer par portion de 100 g d’aliments

RÉFÉRENCES

Luna, S., Lung’aho, M., Gahutu, J. B., & Haas, J. (2015). «Effects of an iron-biofortification feeding trial on physical performance of Rwandan women», European Journal of Nutrition & Food Safety, p. 1189-1189. 

Sim, M., Garvican-Lewis, L. A., Cox, G. R., Govus, A., McKay, A. K., Stellingwerff, T., & Peeling, P. (2019). «Iron considerations for the athlete: a narrative review», European Journal of Applied Physiology, p. 1-16. 

 

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