Le peloton est peuplé d’une galerie de personnages mythiques. Il y a le sprinteur, avec sa musculature surpuissante et son petit air aristocratique. À l’opposé, il y a la caste des grimpeurs, ces gringalets au petit format qui défient les lois de la gravité. Puis, pas loin (mais généralement devant), on trouve le rouleur, cet adepte des efforts en solitaire.
Au-delà de leurs comportements stéréotypés et de leur morphologie caractéristique, ces figures correspondent avant tout à des profils types de puissance. Autrement dit, c’est leur capacité à pousser un nombre optimal de watts pendant des durées déterminées qui font du sprinteur, du grimpeur et du rouleur ce qu’ils sont fondamentalement.
Critical power (CP), ou le PB
N’importe quel cycliste qui a déjà poussé quelque peu ses limites le sait : on peut se fatiguer en bien moins qu’une heure. Pour ce faire, il suffit d’appuyer plus fort sur les pédales. Vingt minutes, 5 minutes, 30 secondes : plus l’intensité est élevée, plus on s’épuise vite. Et vice-versa : moins on développe de watts, moins on frappe le mur rapidement.
On met ici le doigt sur le concept de puissance critique, ou critical power (CP). Pour l’expliquer simplement, il s’agit des meilleures puissances moyennes maximales à vie (le fameux personal best, ou PB) sur plusieurs durées d’effort, allant de 1 heure à quelques secondes.
Évidemment, la puissance moyenne maximale qu’on peut tenir pendant 20 minutes (CP20) est moins élevée que celle qu’on peut tenir pendant 5 minutes (CP5) ou 30 secondes (CP30). Et le CP20 est toujours plus élevé que le CP60, souvent désigné du nom de FTP.
Pour les plus visuels : la courbe de puissance fournie par Strava, de même que par plusieurs logiciels d’entraînement (TrainingPeaks, Today’s Plan, GoldenCheetah…), est en fait basée sur la notion de CP.
Comprendre les CP
Chaque CP correspond à un effort type – et à un profil cycliste.
Pour établir de «bons» CP20 et CP60, il faut posséder une bonne endurance aérobie. C’est généralement l’apanage du rouleur, qui doit maintenir un niveau de puissance relativement élevé pendant une longue durée.
Le CP5 est plutôt l’affaire des gros moteurs; il reflète la consommation maximale d’oxygène, ou VO2max. Le grimpeur excelle en cette matière, même si c’est ultimement son faible poids corporel qui lui permet d’atteindre un rapport puissance/poids à tout casser.
Le CP1 est une question de capacités anaérobies, ce qui est essentiel chez les puncheurs capables de laisser en plan leurs adversaires dans les derniers hectomètres d’une course. Pour le sprinteur, on raffinera l’expérience jusqu’à mesurer des CP entre 1 et 10 secondes, même si à ce stade, c’est souvent la puissance brute qui est en cause.
Ce que ça change dans l’entraînement?
Accoler ainsi des caractéristiques physiologiques à des efforts types est un concept vieux comme la science de l’entraînement. (Cela n’a toutefois pas empêché Sufferfest de récupérer le tout, puis de lui accoler un nom vendeur [4DP™], tout en prenant bien soin de déclarer la mort du FTP.)
Pourquoi est-ce efficace? Parce qu’en tenant compte de son PB (personal best) pour des CP de durées variables, chacun peut travailler de manière spécifique les différentes filières selon son profil.
Par exemple : pour des entraînements qui correspondent à la filière anaérobique, et qui seraient composés de plusieurs efforts de 30 secondes, les charges seront basées sur les résultats du CP 1 minute. Cela permettra d’entraîner le cycliste selon ses capacités pour ce type d’effort en particulier.
À l’autre bout du spectre, pour un entraînement tourné vers des efforts du tempo ou du seuil, donc en endurance, les charges prendront appui sur le CP20 ou le CP60, qui sont des données aérobiques.
Un bon puncheur verra la difficulté de ses efforts courts augmenter selon sa force, alors que le rouleur pourra tenir plus longtemps des moyennes élevées qui correspondent à son profil.
L’importance de les mesurer
Connaître ses CP permet donc d’identifier nos forces et nos faiblesses en tant que cycliste, puis d’entraîner chacune de nos capacités à la mesure de ces chiffres de base.
C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de les évaluer, comme nous le faisons régulièrement chez Vélo Cartel : ils constituent à la fois un point de départ à partir duquel travailler et un point de comparaison pour apprécier le chemin parcouru à l’entraînement.