La caféine, l’amie du cycliste

La caféine, l’amie du cycliste

Parfait prétexte pour repenser le monde en groupe, philosopher sur la vie et rêver bien éveillé, le café est une boisson très populaire. Selon l’Organisation internationale du café, en 2017-2018, 162 millions de sacs de 60 kg ont été consommés mondialement! Plus des trois quarts des Canadiens s’estiment de bons buveurs, alors que 72 % d’entre eux consomment au moins une tasse par jour – soit près de 15 % de plus que nos voisins américains.

Bien que les données soient difficiles à comptabiliser, je suis presque certaine que tout cycliste aguerri reconnaît le café comme une composante de sa pratique. Qu’il soit bu avant ou après, la recette de son succès se cache parfois dans des rencontres uniques et des anecdotes qui tissent des liens serrés…

Bloquer ceci, activer cela…

La caféine apporte un avantage au sportif expérimenté en lui procurant une sensation de légèreté et de puissance absolue. Depuis quelques années, certains vont même jusqu’à rechercher d’autres produits qui génèrent ces mêmes effets, en plus de fournir des glucides au passage, comme les fameuses boissons énergisantes. Pouvons-nous vraiment nous attendre aux mêmes résultats? Sommes-nous à l’ère de commander un «latténergisant»?

Reconnue comme agent améliorant la performance athlétique, la caféine a été bannie par le Comité international olympique de 1962 à 1972. Réintégrée par la suite puis remise à l’écart par l’Agence mondiale antidopage en 1986, elle est ensuite permise sous certaines conditions. Comme l’élimination de la caféine diffère chez chaque personne, impossible d’établir des valeurs limites précises; on instaure alors un programme de surveillance personnalisé.

L’engouement pour la caféine réside dans les effets ergogéniques associés à cette petite molécule. Concrètement, la caféine agit en bloquant certains récepteurs en cause dans les sensations de fatigue et de douleur, tout en activant le système locomoteur. De plus, elle augmente la sécrétion d’adrénaline, ce qui accentue l’utilisation du glucose et des acides gras en circulation (figure 1). Finalement, en inhibant d’autres enzymes clés, elle permet une meilleure utilisation des acides gras à l’effort (lipolyse) tout en épargnant le glycogène (Davis & Green, 2009).

Rouler sur le café

La caféine ingérée au moins 3 heures avant l’effort permettrait d’augmenter l’efficacité à l’effort. Dans une étude réalisée chez des cyclistes amateurs, on remarque qu’un supplément de 10 mg/kg de poids avant l’effort améliorerait les paramètres d’endurance sur un test d’effort maximal progressif sur vélo stationnaire. Les résultats démontrent que la supplémentation, surtout chez les athlètes ne consommant pas beaucoup de café, était efficace. En plus de voir leur temps d’effort prolongé, ceux-ci éliminaient mieux l’acide lactique et étaient moins essoufflés pour le même effort comparativement au test placebo (Flinn, Gregory, Mc Naughton, Tristram & Davies, 1990).

Une autre étude s’est intéressée à la sensation d’essoufflement ressentie avec ou sans supplément de caféine dans un test maximal de contre-la-montre. Elle conclut également que la performance chez les athlètes ayant pris le supplément de caféine augmente en raison d’une meilleure utilisation de l’oxygène à l’effort et d’une sensation moindre ou retardée de l’essoufflement (Larson, 2018).

En considérant certains paramètres essentiels à une bonne performance, d’autres chercheurs ont observé l’humeur des athlètes qui ingéraient de la caféine avant un effort de vélo sur 20 km. Ils ont remarqué que les athlètes éprouvaient plus d’émotions positives, étaient plus motivés et moins mentalement atteints lorsqu’ils prenaient un supplément de caféine (Franco-Alvarenga et al., 2019). Sachant qu’une humeur maussade peut l’emporter sur nos jambes d’acier, voilà un remède qui saura plaire aux palais raffinés!

Pas tous égaux

On se souvient tous de notre première tasse de café filtre – nos yeux exorbités, notre cœur légèrement en palpitation… L’état d’éveil qu’elle a entraîné nous a peut-être permis de terminer un important travail de session. En répétant l’expérience couramment, nous avons aussi vite réalisé que ces effets tendaient à s’estomper en ne laissant qu’une légère stimulation en continu. Pour d’autres, même après trois tasses, aucun effet stimulant n’est apparent. Il faut dire que la caféine n’est pas métabolisée de la même façon chez tous les individus. Alors que certaines personnes sont dites «répondantes», d’autres semblent plutôt immunisées.

En plus de cette distinction entre répondants et non-répondants, il peut se créer une certaine accoutumance si nos apports en caféine sont réguliers et relativement élevés. Ainsi, il se pourrait que les effets métaboliques ressentis n’apparaissent qu’à une certaine dose et qu’ils soient moins efficaces lorsque nous consommons d’emblée beaucoup de café, peu importe la dose.

Des chercheurs ont d’ailleurs voulu comparer cette réponse à la caféine entre les athlètes bien entraînés et ceux plus récréatifs. Ils ont conclu que les athlètes d’élite seraient plus affectés positivement par un supplément en raison de leur masse de tissus musculaires plus élevée. Les effets étaient plus marqués chez les athlètes ne consommant pas beaucoup de caféine au quotidien (Graham, 2001).

Les revers des boissons énergisantes

La caféine aurait donc des effets potentiellement intéressants chez ceux qui, génétiquement, y répondent, qui n’abusent pas au quotidien et qui sont légèrement plus entraînés. Peut-on en dire autant des boissons énergisantes qui se vantent parfois de donner des ailes aux athlètes d’endurance?

Composée majoritairement de glucides, une boisson énergisante peut également contenir une quantité non négligeable de caféine, entre 80 mg (l’équivalent d’un espresso) et près de 140 mg selon la marque. Par ailleurs, plusieurs autres ingrédients peuvent s’y retrouver en quantité variable, telle la taurine, des produits de santé naturels et, parfois, des vitamines et minéraux.

La crainte envers les boissons énergisantes est souvent attribuable à la taurine, qui nous semble un ingrédient tout droit sorti d’un laboratoire. Naturellement présente en faible quantité dans la viande et les produits laitiers, la taurine est plutôt un acide aminé quasi essentiel qui aide à la digestion des lipides et à la détoxification du foie. On estime que les boissons énergisantes peuvent fournir près de 10 fois la quantité recommandée, ce qui peut être inquiétant puisqu’on connaît peu les effets physiologiques négatifs de la taurine. Par ailleurs, on sait que lorsqu’on augmente les doses ingérées, le système nerveux central semble rapidement saturé et que la concentration au cerveau demeure stable. La taurine permettrait également de réguler plusieurs fonctions des systèmes cardiorespiratoire, nerveux, gastro-intestinal et musculaire (Tremblay, 2010). Une récente méta-analyse s’est d’ailleurs intéressée aux effets de la taurine dans les sports d’endurance en concluant qu’un supplément allant jusqu’à 6 g par jour pourrait améliorer légèrement l’endurance lors d’épreuves sportives (Waldron, Patterson, Tallent & Jeffries, 2018).

Cependant, comme je le disais, ses effets négatifs sont peu connus et certains auteurs croient que la taurine pourrait décupler les effets néfastes de la caféine, comme les palpitations cardiaques et les tremblements.

Comme pour tout produit, une consommation modérée est de mise, et surtout non couplée à la prise d’alcool.

Choisir intelligemment

Quelques nuances s’imposent quand vient le temps de prendre un produit alimentaire en guise de supplément pour sportifs. Il faut d’abord comprendre que les effets positifs sur la performance sont attribuables à la quantité de caféine présente autant dans un café que dans une boisson énergisante. L’avantage du café est qu’il est relativement peu coûteux, peu transformé et est souvent assorti d’une dimension sociale qui peut raviver la motivation. La boisson énergisante, en contrepartie, si elle est prise de façon sécuritaire, peut par la bande nourrir l’athlète d’endurance en lui apportant une dose de glucides à l’effort. Attention par contre de ne pas en abuser et de s’en tenir à une canette par entraînement. Il faudra tout de même penser à d’autres options sucrées, sans caféine, pour rouler sans désagrément. Encore une fois, la modération a bien meilleur goût.

 Pour certains, de trop grands apports en caféine auront un effet laxatif presque immédiat, ce qui demeure peu souhaitable, surtout considérant la complexité d’enlever un bib rapidement… Quant à la boisson énergisante, elle peut créer une certaine dépendance qui nous incite à en boire même en dehors des entraînements. À coups de cubes de sucre simple ajouté, les calories inutiles et les variations d’énergie ne feront alors qu’augmenter.

 Évidemment, ces boissons ne parviendront pas à étancher votre soif comme le ferait un bon verre d’eau et, comme mentionné précédemment, plus vous en prenez, plus votre système s’habitue, et moins les effets physiologiques seront notables.

Rien n’est jamais blanc ou noir, en nutrition comme dans les autres sphères. En connaissant ces différents paramètres, vous serez en mesure de faire un choix éclairé, qui vous ressemble, tout en laissant de côté le marketing alimentaire qui tente de vous faire croire que l’esprit critique, ce n’est pas votre tasse de thé…

 Tableau 1 : Quantité de caféine recommandée pour des effets ergogéniques 

Références

Davis, J. & Green, J. M. (2009). «Caffeine and anaerobic performance», Sports Medicine, vol. 39, no 10, p. 813-832.

Flinn, S., Gregory, J., Mc Naughton, L., Tristram, S. & Davies, P. (1990). «Caffeine ingestion prior to incremental cycling to exhaustion in recreational cyclists», International Journal of Sports Medicine, vol. 11, no 3, p. 188-193.

Franco-Alvarenga, P. E., Brietzke, C., Canestri, R., Goethel, M. F., Hettinga, F., Santos, T. M. & Pires, F. O. (2019). «Caffeine improved cycling trial performance in mentally fatigued cyclists, regardless of alterations in prefrontal cortex activation», Physiology & Behavior, no 204, p. 41-48.

Graham, T. E. (2001). «Caffeine and exercise», Sports Medicine, vol. 31, no 11, p. 785-807.

Larson, E. (2018). Exercise Performance and Perception of Breathlessness After Caffeine Ingestion in Cyclists, Appalachian State University,

Tremblay, P. (2010). «La taurine et les boissons énergisantes», Bulletin d’information toxicologique, vol. 26, no 1, p. 14-18.

Waldron, M., Patterson, S. D., Tallent, J. & Jeffries, O. (2018). «The effects of an oral taurine dose and supplementation period on endurance exercise performance in humans: a meta-analysis», Sports Medicine, vol. 48, no 5, p. 1247-1253.

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