David Maltais gravite autour du cyclisme québécois depuis près de 20 ans. Autrefois adepte des Mardis de Lachine, il est passé par le triathlon pour finalement aboutir dans le Team Gris, une équipe qui n’en est pas vraiment une. Auteur du blogue Le Livre gris et partisan du plaisir et de la découverte avant tout, il nous parle ici de sa démarche, au clavier comme au guidon.
Âge : 29 ans
Emploi : spécialiste marketing de produits chez Robotiq
Quels bikes roules-tu?
Parlee Chebacco sur route, gravel, cyclocross
Pivot Mach 429 SL en vélo de montagne
Garneau Gros Louis 2 en fat bike
Quand as-tu commencé à faire du bike?
En 2001, à l’âge de 12 ans. J’ai couru en vélo de montagne jusqu’en 2006 avant d’aller sur la route.
Quand as-tu commencé à écrire un blogue?
En 2007, au terme du Tour de l’Abitibi.
C’était quoi ton objectif?
Je venais de vivre toute une expérience à ma première année en cyclisme sur route. Je voulais la faire partager. Certains cyclistes pros commençaient à publier des chroniques sur le Web et j’aimais les lire. Le concept du blogue était relativement nouveau. J’étudiais en journalisme à l’époque et je ne voulais pas être rouillé à la rentrée des classes. J’ai donc résumé mon Tour en mots et je l’ai partagé à une trentaine de contacts dans une chaîne de courriels.
Comment ton blogue s’est-il transformé?
Il est devenu beaucoup plus populaire lorsque mes articles ont commencé à être partagés sur les Vélo Nouvelles et avec l’apparition de Facebook. À cette époque, il y avait peu de contenu cycliste québécois sur le Web, hormis laflammerouge.com, qui est toujours fidèle au poste depuis 2003 grâce au travail de Laurent Martel. De mon côté, je ne voulais pas parler d’équipement, d’entraînement ou des courses pros. Je voulais raconter des histoires de vélo, au départ les miennes, puis celles des autres.
Le ton a changé, les types d’histoires aussi. Aujourd’hui, dans Le Livre gris, j’écris peu sur les compétitions mais plutôt sur les raisons qui nous amènent à y participer, l’expérience qu’on en retire. Je pense que mon blogue a survécu à des dizaines de sites Internet de cyclistes et de triathlètes élites québécois parce que je n’ai jamais gagné une course. La plupart des gens sont dans ma situation, puisqu’en sport d’endurance il n’y a qu’un seul vainqueur. C’est souvent la même personne et son histoire ne nous rejoint pas nécessairement.
Le Team Gris est apparu quand?
Autour d’un feu au printemps 2016. On était une bande de vieux routiers qui avaient tous passé des années à faire des intervalles, manger de la salade et perdre des soirées de notre jeunesse à se reposer pour les courses du lendemain. La passion du vélo était toujours là mais le format proposé ne nous avait jamais convenu.
Les équipes qui te disent de lâcher le cégep, la pression pour gagner des courses au milieu d’un champ début avril, les m’as-tu-vu, les fils de riches, etc. : depuis longtemps, on n’avait pas de groupe auquel nous identifier. Quelques semaines plus tard, Geoffroy Dussault est arrivé avec un maillot tout gris. Je lui ai demandé si c’était sa nouvelle équipe imaginaire et il m’a répondu : « Ouais, Team Gris. » C’était une joke, mais c’était réglé. On avait un nom d’équipe et ça ne pouvait pas être plus simple.
Comment décrirais-tu le Team Gris?
C’est une critique du cyclisme moderne, une équipe fictive qui évacue toutes les contraintes du sport. Chacun définit le Team Gris à sa manière. Pour certains, c’est plus old school. Mais en général, c’est le partage qui le différencie d’une vraie équipe de vélo.
Rares sont les groupes cyclistes, même les plus underground, qui n’ont aucune mission commerciale sous-jacente. Le Team Gris n’est pas un mouvement anticonsommation pour autant. C’est juste une belle façon de se donner un break de tout ce bruit publicitaire. Tout ce qui nous unit, c’est le bike et l’amitié.
Les vrais amis dans le monde du vélo, c’est rare. Ça fait 18 ans que je trempe dans cet univers, et je trouve que ça m’a rendu égoïste. Je me rends compte que je ne suis pas le seul. Donc on essaie de s’améliorer, de partager la joie de rouler au lieu de se comparer, et de s’entraider dans toutes les situations de la vie.
Pour les gens qui n’ont pas encore compris, votre maillot est de quelle couleur?
Excellente question!! C’est gris, mais avec la teinte et la marque de vêtements de ton choix. À chacun sa nuance, à chacun sa manière de rêver sa pratique cycliste idéale pour ensuite enfourcher son vélo et réaliser son rêve au quotidien. En fait, ton maillot, tu n’as même pas besoin de le porter. Team Gris, ce n’est pas une équipe, c’est une attitude. Notre marque de commerce, c’est justement de ne pas en avoir.
Quels sont tes patterns d’entraînement?
Autrefois, un vieux Français m’a dit que s’il n’avait pas le goût de rouler, il n’y allait pas… jusqu’à ce que ça lui tente à nouveau. Je le trouvais complètement débile, indiscipliné et irrespectueux du sport. Maintenant je suis comme lui.
Depuis longtemps, je fais ce dont j’ai envie et non ce que je dois faire selon les techniques d’entraînement à la mode. Quand on connaît un peu les grands principes de l’entraînement cycliste, c’est fou comme la différence est mince entre un plan hyper structuré et juste rouler en mélangeant endurance et intensité sur tous les terrains. Il faut surtout être motivé pour réussir. Et la motivation, c’est dans la tête.
Au fil du temps, j’ai supprimé tous les outils de mesure de performance physique : j’ai dit au revoir à l’odomètre en 2003, à la montre cardiaque en 2006, aux watts en 2013 et à Strava il y a un mois. Ça me permet de rester jeune. Quand je roule, j’ai encore 12 ans.
Tu parles souvent du modèle «4 paires de pneus et 1 bike». De quoi s’agit-il?
C’est inspiré d’un film de filles que je n’ai pas encore eu la chance de regarder, Quatre filles et un jean. Bref, au printemps 2018 je me suis procuré un Parlee Chebacco, vélo multidisciplinaire dont le petit texte marketing affirme qu’il peut tout faire. J’avais l’intention de tester le concept jusqu’au bout... J’ai roulé avec ce vélo au Pentathlon des neiges, dans la ride à Murphy, dans des courses sur route senior 1-2, au triathlon extrême Canada Man et dans de gros trous de bouette en cyclocross cet automne.
Par le passé, j’ai roulé de nombreux vélos de route, de triathlon et de cyclocross de très haute performance. J’ai pu comparer la performance de mon Chebacco, au feeling, avec tous ces vélos dans toutes ces disciplines. Le résultat est assez éloquent. J’étais au même niveau que d’habitude, sans sentir un quelconque désavantage.
Donc, il suffit d’avoir un bike et quatre bonnes paires de pneus : 25, 28, 33 et 36 mm.
Avec la job que tu as et les heures que tu passes sur ton bike, comment trouves-tu le temps d’écrire encore?
J’écris chaque jour pour gagner ma vie. Mais sur mon blogue, j’écris par pur plaisir. Je ne suis pas payé, mais ça m’a ouvert de nombreuses portes. Ça reste ce que c’était au départ : un endroit pour ne pas perdre sa plume, sans aucune contrainte d’espace, d’opinion ou de type de contenu.
J’ai le temps en masse d’écrire. Quand l’inspiration est là, je tasse tout le reste et j’écris. Il y a beaucoup d’auteurs qui m’inspirent. J’aimerais avoir leur style, mais chemin faisant, je dirais que je continue de créer le mien. Ce ne sera jamais de la grande littérature, mais c’est sincère.
Quels sont tes objectifs pour 2019?
Pour l’instant, je fais un peu de sport chaque semaine et je bâtis ma motivation pour un futur défi. J’aime essayer de nouvelles choses au lieu de retourner sur une épreuve juste pour m’améliorer. Plus que jamais, la nouveauté et l’expérience vécue priment sur le résultat, mais je ne rejette pas l’idée de refaire de beaux événements. On verra.
De nouveaux projets en 2019 pour le Team Gris?
On va certainement faire d’autres expéditions assez uniques, mais rien n’est planifié. Pour l’instant, on se fait des soupers en gang et on ne parle pas vraiment de bike. Il faut recharger les batteries. Notre projet principal reste d’avoir notre plus belle saison de vélo à vie en 2019. Pour ce faire, on ne se met pas trop de pression. Ça devrait bien aller.