Diète cétogène, régime riche en protéines, périodisation des glucides à l’effort… Toutes ces pratiques peuvent s’avérer un vrai casse-tête pour le rouleur du dimanche qui, au fond, n’aspire qu’à avoir l’énergie suffisante pour pédaler en appréciant le paysage et se donner à fond lorsque le cœur lui en dit, segment Strava à la clé ou non.
Dans la cacophonie alimentaire actuelle, on se sent bien loin de l’époque où on engloutissait simplement un gros bol de pâtes la veille d’une épreuve de longue haleine. S’accrochant à un passé où on faisait du sport sans se casser la poire à savoir comment la manger, nombreux sont ceux qui, par habitude, continuent à faire du «carb-loading» à la bonne franquette… Ont-ils raison? Comme souvent en nutrition, la réponse n’est pas simple.
La bataille contre le sucre
Souvent montré du doigt, le sucre semble être devenu le coupable de bien des maux. C’est vrai qu’il laisse présager l’apparition de maladies chroniques telles que le diabète de type 2 et l’obésité. Mais dans la foulée de la lutte contre le sucre, il convient de se demander si ce ne sont pas plutôt les aliments ultra transformés qu’on devrait considérer comme l’ennemi numéro 1. Oui, le sucre s’y cache en grande quantité, mais ces aliments sont également riches en matières grasses et surtout pauvres en fibres ainsi qu’en vitamines et minéraux essentiels (mais bon, on s’écarte du sujet).
En décortiquant adéquatement le sucre sous toutes ses facettes, on se rend vite compte qu’il est le combustible de prédilection de l’athlète, en plus d’être une source d’énergie qui nourrit notre cerveau, un régulateur de notre température corporelle, une aide à la contraction musculaire et au bon fonctionnement général de notre machine humaine. Eh oui, le sucre est à la vie ce que le vélo est au bonheur : essentiel!
Saccharides, glycogène : démêlons-nous
Avant tout un macronutriment, le sucre entre dans la catégorie des glucides, que l’on trouve soit sous forme simple, tels les monosaccharides (glucose, fructose, galactose) et les disaccharides (maltodextrine, lactose), ou bien complexe, comme les oligosaccharides (stachyose et les polysaccharides (fibres).
Plus la molécule est petite, comme dans le cas des monosaccharides, mieux elle sera absorbée au niveau de l’intestin pour ensuite entrer dans nos cellules à l’aide de l’insuline. Étant métabolisés par le foie, les glucides entrent dans la production d’énergie, sous forme d’ATP, dans toutes les cellules du corps. Pour maintenir un taux de glycémie adéquat, on recommande à l’individu sédentaire de manger des sources naturelles de glucides (dans les fruits, les produits laitiers et les produits céréaliers) à raison de 45-65 % de ses apports caloriques totaux (Zello, 2006).
Afin de ne pas tomber en hypoglycémie, le corps peut mettre en réserve ses glucides sous forme d’une grosse molécule ramifiée qu’on nomme glycogène. Ce polysaccharide est notre réservoir à «essence» et est stocké principalement dans les muscles et le foie. En cas de diminution de la glycémie (taux de sucre sanguin), le corps métabolise une partie du glycogène pour assurer une bonne homéostasie.
Pour l’athlète en endurance, l’utilisation des glucides est largement augmentée à l’effort (principalement à intensité élevée), ce qui justifie la recommandation de consommer au minimum 30 g de glucides simples à chaque heure d’activité physique, en plus d’en prendre à la fin afin de refaire le «plein d’essence» et de mieux récupérer (Medicine & Association, 2000).
Faire le plein
Les efforts fournis à l’entraînement peuvent différer largement en intensité et en durée, si bien que nous pouvons parfois dangereusement épuiser notre réserve de glycogène. De plus, il peut arriver qu’on enchaîne un nombre élevé de séances plus intenses sans nécessairement réussir à bien combler nos besoins en glucides, par manque de logistique ou en raison d’une alimentation sous-optimale à l’effort.
Mais d’où vient alors l’idée de manger un bol de pâtes la veille d’une compétition ou d’un effort à intensité élevée? Tout simplement du principe qu’à haute intensité, les muscles et le système nerveux devront avoir accès à une bonne quantité de glucides afin d’optimiser la performance. On veut s’assurer que notre aiguille pointe vers le F plutôt que le E au jour «J»!
Il existe différents protocoles de surcompensation en glycogène qui durent plusieurs jours, mais on réalise qu’un protocole de 24 à 72 h avant l’épreuve serait suffisant pour rapidement refaire la réserve en glycogène, sans même avoir besoin de vider notre réserve avant de le commencer (Bussau, Fairchild, Rao, Steele et Fournier, 2002).
La méthode scandinave modifiée est assez bien tolérée et cause peu de désagréments chez l’athlète. Elle nous amène, trois jours avant l’effort, à augmenter nos apports en glucides à 70-75 % des apports caloriques totaux, ce qui permet au corps d’atteindre des concentrations adéquates en glycogène sans trop d’effort ni de modifications des habitudes alimentaires. Comment procéder? On maintient l’équilibre dans l’assiette, mais on consomme davantage de collations riches en sucres dans la journée. Par exemple, des boissons à base de maltodextrine, des jus de fruits ou du sirop d’érable. Plus les glucides seront sous forme liquide, plus ce sera facile d’atteindre ces quantités élevées sans nuire à la proportion des autres aliments dans l’assiette. Également, pour ces trois jours, les glucides simples (pain blanc) seront favorisés au détriment des glucides complexes comme les fibres (pain brun), afin de mieux les digérer et les absorber.
Bien distribuer ses glucides
L’idée du bol de pâtes la veille d’une épreuve intense ou d’une longue sortie à vélo relève donc un peu plus de la croyance populaire que de résultats probants.
La réserve en glycogène ne s’épuise pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire, si bien que pour l’athlète qui ne s’entraîne pas tous les jours et qui flirte surtout avec l’intensité faible à modérée, il n’est pas nécessaire de faire le plein systématiquement. La surcompensation en glycogène ne sera pas synonyme d’amélioration de la performance pour lui. Au contraire, l’augmentation drastique des apports en glucides simples, surtout la veille ou le matin même, risque davantage de causer des inconforts digestifs et d’augmenter la quantité de calories totales ingérées comparativement à la dépense induite par l’effort.
En fait, la surcompensation en glycogène est surtout utile pour des épreuves à intensité élevée qui durent longtemps (>3 h). Selon Bejamin Rapoport, chercheur à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT), la déplétion des réserves en glycogène varie amplement entre chaque athlète et se calcule selon la capacité aérobique maximale (VO2 max), le poids des muscles des jambes comparativement au reste du corps ainsi que la concentration en glycogène dans les muscles et le foie de l’athlète. Considérer tous ces paramètres permettrait à l’athlète bien entraîné de franchir un marathon rapidement sans frapper le fameux mur (Rapoport, 2010).
Gardons en tête que tous les sucres n’ont pas la même valeur, et que ce n’est pas parce qu’on s’entraîne qu’on peut exagérer notre consommation d’aliments transformés, riches en sucres ajoutés et autres ingrédients superflus. L’optimisation de notre effort commence par une meilleure distribution des glucides dans notre alimentation, en ciblant les entraînements à haute intensité en endurance.
En somme, si vous êtes un athlète assidu, je vous conseille de miser sur des repas équilibrés, des collations riches en glucides autour des entraînements ainsi que des apports en sucre à l’effort d’au moins 30 g/h si vous partez rouler plus d’une heure. En mode longue sortie, privilégiez les sources simples de sucre comme les boissons pour sportifs, les jus, les fruits séchés ou les délicieux gâteaux de riz.
Finalement, rappelez-vous qu’avant une compétition, avec le stress qui vous contracte l’estomac, votre meilleur allié sera ce que vous tolérez bien et surtout ce que vous aimez manger… Et si vous considérez vous inscrire à une épreuve de longue haleine en haute intensité, il pourrait être pertinent de rencontrer une nutritionniste… plutôt qu’un mur!
Références
Bussau, V. A., Fairchild, T. J., Rao, A., Steele, P. et Fournier, P. A. (2002), «Carbohydrate loading in human muscle: an improved 1 day protocol», European Journal of Applied Physiology, 87 (3), p. 290-295.
Medicine, A.C.O.S. et Association, A. D. (2000), «Joint Position Statement: nutrition and athletic performance. American College of Sports Medicine, American Dietetic Association, and Dietitians of Canada», Medicine & Science in Sports & Exercise, 32 (12), p. 2130.
Rapoport, B. I. (2010), «Metabolic factors limiting performance in marathon runners», PLOS Computational Biology, 6 (10), p. e1000960.
Zello, G. A. (2006), «Dietary reference intakes for the macronutrients and energy: considerations for physical activity», Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism, 31 (1), p. 74-79.