Mettons tout de suite les choses au clair : il est faux de penser que le déjeuner est le meilleur repas de la journée. La nuance réside plutôt dans le fait qu’il est essentiel de manger de façon équilibrée et suffisante, au moins trois fois par jour, dont le matin. Pourtant, selon une étude menée en 2004, ce repas était le plus léger et le plus omis chez les Québécois (Blanchet, Trudel & Plante, 2009).
Comme le dit le mot, déjeuner, c’est briser un jeûne. En effet, si vous ne vous levez pas la nuit pour grignoter, vous pratiquez une forme de jeûne intermittent en vous abstenant de manger pendant une assez longue période de temps, soit 10-12 heures environ. Ce premier repas sert non seulement à briser votre jeûne, mais vous aidera également à activer votre métabolisme de base. Il vous permettra au passage de consommer plusieurs vitamines et minéraux essentiels, tout en activant votre état d’éveil et votre concentration.
L’importance de casser la croûte au lever est sans équivoque, mais il faut porter attention à la qualité des aliments qui composeront notre assiette. Dans nos habitudes typiquement nord-américaines, il est parfois facile et rassurant de se tourner vers des aliments riches en sucres ajoutés et en gras, mais faibles en fibres et en protéines. Trop souvent, ce genre de déjeuner aux apparences de dessert ne fera qu’ajouter des calories superflues à notre journée, augmentera notre envie d’aliments sucrés et ne nous permettra pas d’avoir le ventre et l’esprit rassasiés. Le déjeuner, tout comme les autres repas, devrait être composé principalement d’aliments non transformés, être riche en grains céréaliers entiers, en plus d’apporter une bonne source de protéines complètes (tableau 1).
Tableau 1 : Substitutions pour un déjeuner équilibré
Sauter le déjeuner pour maigrir?
Parmi les nombreux mythes en alimentation figure la croyance voulant que sauter le déjeuner pourrait aider à perdre du poids. En épluchant la littérature scientifique sur le sujet, on réalise que c’est plutôt le fait de déjeuner qui entraînerait à long terme une relation plus saine avec les aliments, un maintien de bonnes habitudes alimentaires ainsi qu’un poids santé. Pourquoi? Parce qu’en commençant la journée avec des aliments de bonne qualité nutritionnelle, on réduit nos envies de grignoter et on arrive moins affamé aux repas suivants. Par ailleurs, en regardant les études épidémiologiques en la matière, on réalise que les gens qui sautent généralement le déjeuner ont des habitudes de vie moins santé. Ils risquent plus d’avoir des déficiences en fer, en vitamines du complexe B, en acide folique ainsi qu’en fibres alimentaires. Qui plus est, dans une récente méta-analyse regroupant près de 100 000 études, on remarque que les individus sautant le déjeuner risquent plus de développer un diabète de type 2 à long terme que ceux qui déjeunent tous les jours (Ballon, Neuenschwander & Schlesinger, 2018).
Ce repas nous donne une chance de plus de combler nos besoins, que ce soit en fibres alimentaires ou en vitamines et minéraux essentiels. Quand on s’en prive, il nous reste moins d’occasions dans la journée pour assouvir ces nombreux besoins, et on risque plus de se retrouver le ventre vide – et de succomber! – devant les aliments ultra-transformés qui pullulent dans notre environnement alimentaire obésogène (Brown, Bohan Brown & Allison, 2013).
Le cas des sportifs
Beaucoup d’athlètes croient encore que l’entraînement à jeun leur permettrait d’améliorer leur utilisation des substrats énergétiques, d’être plus efficaces et éventuellement plus légers pour une même puissance déployée.
Pourtant, sauter un repas avant l’entraînement risque plutôt de mettre à plat nos batteries, nous empêchera de donner notre 110 %, et surtout affectera probablement notre humeur à l’effort, écorchant au passage notre plaisir et notre motivation intrinsèque.
Pour les athlètes désirant mieux gérer leur poids corporel, un apport constant en protéines est de mise afin d’augmenter la satiété, de réduire les fringales et de préserver la masse musculaire. Le déjeuner est également une bonne façon d’assurer un apport suffisant en glucides complexes pour refaire le plein d’énergie. Sauter ce repas est associé à une diminution des glucides totaux dans la journée, peut influencer négativement l’entraînement et met l’athlète à risque de blessures (Manore, 2015).
Reste qu’il n’est pas toujours facile de gérer les repas lors des entraînements à l’aube. Pour beaucoup, la conciliation travail-sport nécessite une gymnastique dans l’horaire où on coince des entraînements bien avant le lever du soleil. Difficile, dans ce contexte, de manger 2 heures avant l’effort afin de favoriser une bonne digestion. Un déjeuner léger et riche en glucides sera alors de mise pour s’assurer d’avoir suffisamment d’énergie. Mais attention : la collation après cet entraînement sera essentielle pour non seulement refaire le plein et réparer les fibres musculaires, mais également pour compléter adéquatement le déjeuner. Un exemple : un petit bol de gruau et sirop d’érable avant, et après, un smoothie avec protéines végétales, des fruits et une rôtie au beurre de noix.
Étaler et varier
Vous avez couramment un petit mal de cœur le matin? Ne vous dépêchez pas de manger un repas copieux. Choisissez plutôt les options liquides, comme les smoothies, ou fractionnez votre déjeuner sur une plus longue période. Commencez par les aliments que vous digérez mieux et poursuivez votre repas une fois au travail, ou sur la route.
Pour l’athlète récréatif comme pour celui de haute performance, la pertinence de prendre un déjeuner de qualité est indiscutable. Il faut toutefois rester vigilant devant les aliments ultra-transformés, les pâtisseries qui se déguisent en déjeuner et les boissons sucrées. Pour le reste, soyez original en essayant de nouvelles recettes ou en variant les types de protéines, les épices et les textures! Trop souvent routinier, le déjeuner pourrait ainsi regagner ses lettres de noblesse. Il le mérite!
RÉFÉRENCES
Ballon, A., Neuenschwander, M. & Schlesinger, S. (2018). «Breakfast Skipping Is Associated with Increased Risk of Type 2 Diabetes among Adults: A Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective Cohort Studies», The Journal of Nutrition, vol. 149, no 1, p. 106-113.
Blanchet, C., Trudel, J. & Plante, C. (2009). Coup d’œil sur l’alimentation des adultes québécois, Institut national de santé publique du Québec.
Brown, A. W., Bohan Brown, M. M. & Allison, D. B. (2013). «Belief beyond the evidence: using the proposed effect of breakfast on obesity to show 2 practices that distort scientific evidence», The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 98, no 5, p. 1298-1308.
Manore, M. M. (2015). «Weight management for athletes and active individuals: a brief review», Sports Medicine, vol. 45, no 1, p. 83-92.