Aux petits soins pour votre microbiote

Aux petits soins pour votre microbiote

Fermez les yeux et imaginez-vous dans la forêt amazonienne, luxuriante et remplie d’une variété d’arbres, d’arbustes et de plantes. Cet écosystème est déterminant pour la survie des espèces qui y vivent.

Notre flore intestinale est comme cette forêt : unique et complexe, vivant en symbiose et offrant une protection contre les attaques extérieures.

Le microbiote, c’est l’ensemble des microorganismes (bactéries, champignons, virus et parasites) qui tapissent les parois de notre intestin grêle et de notre côlon (gros intestin). Il pèse près de 2 kg et, chez une personne en santé, est composé d’environ 1014 bactéries différentes (Landman & Quévrain, 2016)! Notre organisme agit en symbiose avec cette flore, et cette interaction influence notre santé. Ce qui est fascinant, c’est que chaque flore intestinale est unique, un peu comme une empreinte digitale.

Dès notre naissance, au contact des microorganismes laissés par notre mère à l’accouchement et de ceux de l’environnement externe, nous commençons à former notre microbiote. Sous l’influence de notre régime alimentaire, de notre génétique, de nos habitudes de vie, des traitements médicaux que l’on reçoit et de l’environnement dans lequel on évolue, notre microbiote se densifie et se complexifie dès les premières années de notre vie. Plus tard, d’autres paramètres, comme l’action de nos hormones et les changements de nos habitudes de vie (alimentation, maladies, voyages) modifieront la qualité et la quantité de notre flore. Récemment, des études ont constaté des différences notables entre les individus actifs et sédentaires. Plus on commence à bouger jeune, plus notre flore sera diversifiée et pourra améliorer notre santé autant physique que mentale (Mika & Fleshner, 2016).

Le pouvoir des bactéries

Comment de simples bactéries peuvent-elles avoir autant d’impact sur note santé? Principalement parce qu’elles favorisent notre digestion, et que lorsque celle-ci est bien régulée, on assimile mieux les nutriments, les résidus non digestibles fermentent mieux, et la synthèse de nombreuses vitamines de même que l’absorption des acides gras s’effectuent plus efficacement. Entre autres.

Lorsqu’elles sont bien dispersées, les bactéries jouent aussi un rôle dans la réduction de l’inflammation, la prévention de certaines maladies intestinales, et pourraient même avoir un lien avec l’apparition ou non du diabète de type 2 et de l’obésité, dans un contexte multifactoriel.

Nourrir ses bactéries

Il est donc important de maintenant notre flore intestinale en équilibre. Comment? Par nos habitudes alimentaires, qui influencent la qualité de notre microbiote. Par exemple, une alimentation riche en matières grasses et pauvre en fibres alimentaires est associée à un déséquilibre de la flore intestinale – il y a alors trop de mauvaises bactéries, et pas assez de bonnes. D’autres facteurs, comme la prise excessive d’antibiotiques, les maladies intestinales et notre environnement (pollution, voyages) peuvent aussi influencer notre équilibre intestinal.

Parmi les nombreuses bactéries qui peuplent notre intestin, les probiotiques font partie de celles que nous voulons en grand nombre, car elles permettent un bon équilibre de la flore intestinale. Bien qu’on en trouve dans quelques aliments, comme le yogourt, le kéfir, le fromage et certains jus enrichis, les souches thérapeutiques – celles qui sont réellement efficaces – se trouvent en majorité sous forme de suppléments vendus à la pharmacie, souvent sous forme de yogourt à boire – les produits laitiers demeurent le vecteur de prédilection pour maintenant les probiotiques actifs.

Pour ajouter un peu de complexité à la chose, il existe de nombreuses souches de probiotiques, chacune ayant des effets précis sur la santé. Consommer des probiotiques sans réellement connaître leurs rôles et nos besoins revient à entrer dans un magasin de bike et à en ressortir avec un vélo de montagne pour aller faire un critérium. 

Tableau 1 : Souches de probiotiques les plus étudiées chez l’athlète

Bactéries Famille Souches Çaractéristiques

Bifidobactéries

Bactéries lactiques

ssp. adolescentis, animalis, bifidum, breve, et longum

Genre anaérobique, gram +. Présentes dans les produits laitiers (fromage, yogourt, lait).

Lactobacilles

Bactéries lactiques

ssp. acidophilus, casei, fermentum, gasseri, johnsonii, reuteri, paracasei, plantarum, rhamnosus, et salivarius

Anaérobique, gram +. Présents surtout dans les produits fermentés (kéfir).

Il est encore trop tôt pour connaître la dose exacte et la fréquence à laquelle on devrait prendre des probiotiques pour constater des impacts positifs sur notre santé ou notre performance. Par contre, on réalise qu’une dose d’au moins 1 milliard de bactéries ACTIVES pendant au moins 10 jours par mois semble efficace, et qu’une consommation régulière permettrait d’obtenir de plus grands effets potentiels.

Et les prébiotiques, eux?

Même si on met beaucoup l’accent sur les probiotiques, depuis quelques années, on s’intéresse aussi à la «nourriture» de ces bactéries bénéfiques à notre santé, soit les prébiotiques. Ces glucides (oligosaccharides) non digestibles par l’humain aident au maintien et à la prolifération des probiotiques en les nourrissant dans le système digestif. Un peu comme les fibres alimentaires que l’on trouve dans la pelure des fruits et légumes et dans les grains entiers, les prébiotiques n’apporteront pas de calories (énergie) à l’humain, mais sont utiles pour garder nos probiotiques en «bonne santé». Ce sont ces derniers qui vont s’en nourrir.

Parfois ajoutées aux aliments, comme l’inuline dans certains produits, les prébiotiques sont aussi présents naturellement dans les oignons, les asperges, les bananes, le blé et le seigle. On les trouve sous deux types, soit les fructo-oligosaccharides (FOS) et les galacto-oligosaccharides (GOS).

Aliments riches en FOS Aliments riches en GOS

Artichauts, asperges, tomates, bananes, ail

Yogourt

Orge, seigle, grains entiers

Babeurre

Inuline

Kéfir

Racine de chicorée, de pissenlit

Quels effets sur la performance?

Chez l’athlète, la réponse immunitaire est parfois mise à rude épreuve. La charge d’entraînement peut être excessive, le sommeil perturbé, le stress psychologique élevé, et des changements dans l’environnement peuvent entraîner plus d’infections, notamment aux voies respiratoires (allo, pneumonie découlant du COVID-19!). La prise de suppléments de probiotiques spécifiques (selon la souche) pourrait améliorer la santé immunitaire chez l’athlète en réduisant le nombre, la sévérité et la durée de ces infections respiratoires. Elle pourrait également améliorer la réponse des fibres musculaires à la récupération post-effort. Mais plus encore, chez la communauté sportive, la prise de probiotiques pourrait moduler la composition corporelle et la masse maigre, aider à réduire les niveaux de cortisol et de lactate à l’effort, en plus d’améliorer la santé cognitive et l’humeur (Jäger et al., 2019).

Le conditionnel s’applique ici, car ces effets ne sont pas si équivoques dans les études. Plus de preuves seront nécessaires afin de mieux comprendre le rôle des probiotiques sur la performance. Jusqu’à présent, seule une étude a démontré une amélioration de la performance aérobique lors de prise de suppléments. Dans celle-ci, 30 athlètes ayant consommé un yogourt enrichi pendant 30 jours ont vu une amélioration de leur V02max comparativement au groupe sans probiotiques (Salehzadeh, 2015). Les probiotiques sembleraient aussi avoir eu un impact sur la récupération, notamment en réduisant les douleurs, mais seulement lorsque les apports en protéines de l’athlète étaient adéquats.

Considérant tous ces effets potentiellement favorables chez l’athlète, mais surtout sécuritaires d’un point de vue médical, il n’est pas étonnant que certaines souches de probiotiques soient largement utilisées par les sportifs. Cet apport constant pourrait potentiellement améliorer la réponse immunitaire, tout en aidant à réduire les risques de maladies autant à l’entraînement qu’en compétition. À noter qu’il est souhaitable que l’athlète s’informe adéquatement pour trouver une souche de probiotiques reconnue pour ces effets santé et validée par la recherche scientifique.

Si beaucoup de questions restent en suspens afin de mieux comprendre l’implication exacte du microbiote dans la performance, on a tout à gagner, en attendant, à manger de façon équilibrée, à soigner notre hygiène de vie et à s’entraîner. 

POINTS CLÉS

  • Les probiotiques ne sont pas essentiels à la performance sportive, mais peuvent être utiles dans les périodes de stress physique intense, de compétitions à l’étranger ou de changements dans les habitudes de vie de l’athlète.
  • Les souches efficaces sont présentes en pharmacie et non dans les produits alimentaires du commerce.
  • Les prébiotiques se trouvent naturellement dans de nombreux aliments riches en fibres et en vitamines et minéraux. Ils aident à réguler les probiotiques et à les optimiser.
  • Certains facteurs ou habitudes (environnement externe, prise d’antibiotiques, aliments ultra transformés) peuvent nuire à la santé du microbiote… et donc à notre santé et à notre performance.
  • Il est important de choisir une souche de probiotiques qui sera cohérente avec les effets positifs recherchés pour notre santé et pour laquelle la science est probante.

Références

Jäger, R., Mohr, A. E., Carpenter, K. C., Kerksick, C. M., Purpura, M., Moussa, A., . . . Black, K. (2019). «International Society of Sports Nutrition Position Stand: Probiotics», Journal of the International Society of Sports Nutrition, vol. 16, no 1, p. 62.

Landman, C., & Quévrain, E. (2016). «Le microbiote intestinal : description, rôle et implication physiopathologique», La Revue de médecine interne, vol. 37, no 6, p. 418-423.

Mika, A., & Fleshner, M. (2016). «Early‐life exercise may promote lasting brain and metabolic health through gut bacterial metabolites», Immunology and Cell Biology, vol. 94, no 2, p. 151-157.

Salehzadeh, K. (2015). «The effects of probiotic yogurt drink on lipid profile, CRP and record changes in aerobic athletes», International Journal of Life Sciences, vol. 9, no 4, p. 32-37.

Retour au blog