La pureté des chiffres : pourquoi j’aime l’entraînement intérieur par David Desjardins
Il y a quelque chose de beau et de simple dans un écran qui me présente l’entraînement qui est au programme du jour. Un tableau avec des colonnes qui s’élèvent sur une ligne de watts en suivant celle du temps.
30s @ 130%
3m @ 90%
45s @ 50%
Pas de triche sur mon poids (salut les menteurs sur Zwift… soit presque tout le monde), pas de flafla. Juste de la sueur et des watts.
Je suis porté par une conviction qui m’est confirmée au printemps : chaque palier réussi me rapproche d’un été où je serai plus performant.
C’est le principe de la gratification différée. On s’acquitte maintenant son dû pour récolter plus tard les bénéfices. Ça prend de la patience. Mais cette patience paye.
J’adore l’idée, aussi, que l’on puisse évaluer sa progression tout au long du parcours hivernal. Parce que les chiffres ne mentent pas. Parce que même si les secondes semblent s’étirer avec une insupportable lenteur dans un test de 5 minutes, le temps est une constante et le résultat obtenu pendant ce laps est la mesure de ma force à ce moment. Comme une photographie de mon état de forme un jour donné.
Il y en a qui rechignent devant ce type de travail. Je le vois comme un outil. Un levier qui me permettra d’aller plus rapidement sur la route ou dans les sentiers. Et la vitesse est un plaisir grisant que je dois entretenir.
Je fais aussi du fat et beaucoup de ski. Même un peu de course. J’y travaille les activités longues et je conserve ainsi le contact avec le monde extérieur et les nombreuses sensations qui me ravissent quand je suis en nature, y compris dans le froid. Mais la qualité des efforts déployés sur le rouleau m’affûte et me met en face mes forces et faiblesses d’une manière bien spécifique.
Cela mime ce que je pourrai faire dehors sur mon vélo.
Et J’y travaille mes points faibles au corps.
Mon Vo2Max et mes qualités anaérobiques déclinent avec l’âge? Alors j’en profite pour me remettre à niveau après un été à rouler un peu n’importe comment, selon l’humeur du moment et celle de mes amis de vélo.
J’aime aussi le côté spartiate de la chose. J’entraîne mon esprit autant que le corps à endurer les minutes de douleur où chaque cellule de mon être m’ordonne d’arrêter. J’apprends à ne pas céder à la panique, même quand j’ai l’impression d’être dans un scaphandre dont la vitre semble sur le point de craquer sous la pression. Six mille lieues sous des mers de souffrance.
Ma progression est de l’ordre de l’intime : à force d’aligner les photos de ma forme au fil des mois, je sais ce que je vaux et ce qu’il m’en coûte pour atteindre mes objectifs.
Je trouve ça pur et beau. C’est comme un tableau Excel parfaitement conçu, ou une phrase économe, mais limpide : ça parle. Le propos est clair. Suis en forme, ou pas? Je fais du progrès ou je stagne?
Les aptitudes se construisent et les années d’effort s’accumulent. J’apprends à connaître mes limites, à les repousser. Et si un jour j’échoue, je recommence le lendemain.
On dit que les choses qui ont de la valeur et qui nous rendent fondamentalement heureux nécessitent de passer, parfois, par des moments difficiles. Je ne pourrais être plus d’accord. Car s’il m’arrive de ne pas avoir envie de me défoncer sur le rouleau, une fois que c’est terminé, jamais je ne regrette de m’être ainsi mis au travail pour me rapprocher de buts que je me suis fixés.